Audience auprès du DASEN sur les conditions de travail en Savoie

– Il y a un an, la FSU-SNUipp de Savoie lançait une grande enquête auprès de la profession concernant les conditions de travail. Poussé par le dépôt d’alertes sociales dans les 102 départements, il nous paraissait important de prendre le pouls de nos collègues sur leur rapport au travail. Près de 300 collègues du département, dont vous peut-être qui lisez ce compte-rendu, ont pris le temps de réfléchir et de répondre à ce questionnaire. Le panel s’est avéré assez représentatif tant en terme de parité, que de type de postes, de répartition géographique ou encore d’ancienneté.

Suite aux retours des collègues, nous avons compilé et analysé les réponses afin d’avoir une vision claire et objective du ressenti de la profession. C’est ce qui nous a poussé à éditer ce petit livret.

La FSU-SNUipp 73 a sollicité une audience auprès du DASEN pour lui rendre compte de l’état de la profession et lui demander des réponses concrètes pour améliorer le quotidien de nos collègues.
Notre délégation, composées de quatre délégués de la FSU-SNUipp a été reçu par M. Coux (DASEN de la Savoie), Mme Poujol (Adjointe au DASEN) et Mme Marfil (Secrétaire Générale).
Nous avons pu exposer les problématiques de la profession après avoir au préalable distribué le livret aux protagonistes. A ce propos, un exemplaire de chaque livret sera envoyé à tous les IEN du département.

Les PE savoyards ne faisant pas exception, le résultat de cette enquête s’est révélé éloquent : pour la plupart d’entre elles et eux, les conditions d’exercice du métier ne cessent de se dégrader.

École inclusive difficile à mettre en place, effectifs encore trop chargés, absences criantes de remplaçant·es, formations ne répondant pas aux problématiques du terrain, projet d’école et APC jugés inutiles et inefficaces, injonctions administratives à tous niveaux : la barque est lourde et elle coule de plus en plus.
Les collègues l’ont exprimé à travers cette enquête : ils se sentent découragé·s (72%), inquiet·es pour l’avenir de l’école (92%) et surtout fatigué·es (88 %).
D’ailleurs, certains « indicateurs », (comme se plaisent à dire les libéraux), ne trompent pas : les fiches SST s’empilent, les temps partiels thérapeutiques se multiplient et les demandes pour quitter le navire explosent.
Paradoxalement, les enseignant·es sont toujours motivé·es par leur travail (53%) et fier·es d’exercer ce métier (77%). Transmettre un savoir, faire réussir les élèves et se sentir utile à la société demeurent les leitmotivs qui animent les collègues. C’est d’ailleurs cet aspect sacerdotal du métier qui fait « tenir la baraque » Éducation Nationale. C’est ce qu’illustre à merveille la formule du pédagogue Éric Debarbieu : « l’école, entre bonheur et ras le bol ».

L’inclusion
Nous avons particulièrement attiré leur attention sur un point crucial cristallisant les tensions dans les écoles : l’inclusion d’élèves à besoins éducatifs particuliers.
Les trois responsables de la DSDEN nous ont attentivement écouté.
Ils nous ont dit qu’ils « avaient conscience que c’était compliqué » et qu’ils reconnaissaient que les collègues étaient« pleinement engagé·s dans leur mission ».

Pour l’administration, la priorité doit être donnée à la formation des enseignants, initiale comme continue. Elle s’est d’ailleurs inspirée des problématiques révélées par les nombreuses fiches SST des collègues afin de construire un plan de formation tentant de répondre au malaise dans les écoles. Pour l’administration, l’enjeu est de changer les gestes pédagogiques des enseignants.
Malgré le cadre national contraint dans lequel s’inscrivent les animations pédagogiques, la DSDEN de la Savoie a expliqué qu’elle avait à cœur d’insérer des connaissances et des apports autour de l’inclusion dans de nombreuses formations départementales, même celles qui n’avaient pas l’école inclusive comme objet initial.
Elle vise également à déployer des modules de formation autour des EBEPS, de la pédagogie explicite ou encore de la conception universelle des apprentissages.

Nous avons abondé dans le sens où, évidemment, la formation des enseignant·es permet de mieux connaître le fonctionnement des élèves à troubles neuro-développementaux et leur prise en charge pédagogique. Cependant, nous leur avons fait remarquer que les quelques heures offertes par l’Éducation Nationale étaient largement insuffisantes au regard des besoins exprimés par la profession. Nous avons rappelé au DASEN qu’il y a encore une vingtaine d’année, les collègues du département pouvait partir 5 semaines en formation ! Du réel temps pour se former donc...

Nous avons expliqué que le « temps de l’institution » était en total décalage avec la demande des collègues qui eux, avaient besoin d’une formation longue, de qualité et dans les plus brefs délais.

Les collègues ont aussi pointé du doigt le manque de places dans les établissements médico-sociaux dont relèveraient certains élèves présents dans les classes ordinaires . L’administration a expliqué ne pas avoir la main sur le nombre de places dans ces établissements mais qu’elle était génératrice de création d’Unité Externalisée (UEMA, UEEA…), dont le financement dépend de l’ARS.

Ensuite, concernant le manque d’AESH, l’administration a rétorqué qu’il s’agissait davantage d’un problème de « ressources humaines ». Elle a concédé que leurs conditions d’emplois, de salaire pour ces personnels sont délétères, raisons pour lesquelles elles n’attirent pas de candidat·es. Le DASEN a expliqué que la mise en place des PAS (Pôle d’Accompagnement à la Scolarité, qui vise à terme à remplacer les PIAL), avec la présence de travailleur·euses du médico-social, allait sans doute améliorer les choses. Nous en reparlerons lors des opérations de carte scolaire et nous attendons de voir leur expression concrète sur le terrain...

Par ailleurs, nous avons attiré l’attention de l’administration sur l’importance de la baisse des élèves par classes, levier puissant pour une inclusion de qualité. Vous étiez 99 % à nous faire la remarque sur l’importance de classes moins chargées pour répondre à l’exigence de l’inclusion.
Comme à son habitude, l’administration a rétorqué que la Savoie était « bien dotée » et que « ce n’était pas un problème de moyens ». Argument que nous avons récusé puisque, comme vous le dites si bien à travers l’enquête, dans chaque classe, « 1 élève sur 5 » pose des « difficultés ». Ainsi, mathématiquement, plus la classe est chargée, plus le nombre d’EBEPS augmente.

A l’aune des opérations de carte scolaire, nous avons également voulu insister sur l’importance d’abonder le vivier de remplaçant·es car leur absence récurrente impactait directement les conditions de travail. Pour le DASEN, il était davantage question d’éviter que les collègues tombent malades plutôt que d’augmenter le nombre de remplaçant·es. Il a néanmoins concédé qu’il étudierait la possibilité d’accroître le nombre de remplaçant·es lors de la prochaine carte scolaire.

Relations avec la hiérarchie
Ensuite, nous avons mis en avant la problématique du rapport IEN-PE. Dans l’enquête, la grande majorité des collègues a coché l’item « sans avis ». Ce positionnement neutre nous a interrogé : est-il le résultat d’un turn-over d’IEN trop important ? Est-elle la traduction d’une hiérarchie trop éloignée du terrain ? Les collègues ont-il peur de s’exprimer sur cette question ? Nous avons fait ces remarques au DASEN qui a enjoint les collègues à oser dire librement aux IEN « ce qui ne va pas », et ce dans un souci de dialogue constructif.

Projet d’école et APC
Enfin, le DASEN n’admet pas que les collègues se plaignent du projet d’école et des APC, qui, selon lui, est un formidable outil de « liberté pédagogique ». Nous nous sommes permis de modérer ses propos enthousiastes car le cadre imposé aux écoles s’avère de plus en plus étouffant (évaluations standardisées à tous les niveaux, guides de bonnes pratiques pédagogiques, constellations français maths..), restreignant cette liberté pédagogique et dépossédant les collègues de leur « professionnalité », vecteur, d’après de nombreux sociologues, de souffrance au travail.

En résumé, nous avons tenu notre rôle de délégué des personnels en portant haut et fort la parole de la profession. Force est de constater que l’administration savoyarde s’est montrée à l’écoute, compréhensive mais bien incapable de répondre aux attentes, renvoyant systématiquement au cadre contraignant dans lequel elle se trouve et à son faible pouvoir d’actions pour changer les choses.

Résultats de notre enquête

Audience sur les conditions de travail en Savoie

Audience sur les conditions de travail en Savoie