AVERTISSEMENT : nous avons toustes été destinataires, en pleine période de vacances scolaires, du questionnaire de consultation des personnels dans le cadre de la mission "exigence des savoirs" lancée par G. Attal le 5 octobre.
Outre la période - qui, de fait, empêche de s’en saisir de manière collective et réflexive - petit décryptage de la FSU-SNUipp avant d’aborder ce questionnaire.

Une consultation sur les programmes... qui n’aborde pas ou à peine les programmes

Alors que les annonces du ministre laissaient entendre que la profession allait être consultée sur une révision des programmes, ce questionnaire aborde à peine le sujet.
Au contraire, les questions sont pour la plupart biaisées, et les réponses devinables à l’avance, imposant des réformes dont le contenu a déjà été annoncé : révision des programmes pour renforcer la place des apprentissages dits « fondamentaux », individualisation des apprentissages, recours à des groupes de niveau, abandon de la logique de cycle…

– Un exemple ? A la question "Disposez-vous de manuels pour l’enseignement de [français et/ou maths] ?"
=> si on répond "non" (parce qu’on n’en a pas, ou pas un exemplaire par élève ou des trop anciens, qu’on ne peut pas en (r)acheter faute de crédits pédagogiques suffisants etc),
alors s’affiche la question suivante : "Souhaiteriez-vous bénéficier d’un manuel de français ? / de maths ?". Question à laquelle on sera tenté de répondre "oui", en toute logique. Or, si la profession répond qu’elle « souhaite bénéficier » de manuels, le ministère pourra affirmer répondre aux besoins exprimés en fournissant un manuel ministériel… Pourtant, cela n’est arrivé qu’une seule fois dans l’histoire du système éducatif, au XIXème siècle (ministère Guizot) !
La FSU-SNUipp a proposé au ministère de remplacer « en bénéficier » par « souhaiteriez-vous pouvoir acquérir un manuel », afin que le choix soit effectué librement par chaque enseignant·e (et demandé que le besoin en manuels soit élargi à l’ensemble des disciplines).
La réalité dépassant parfois la fiction, on voit bien que la labellisation de certains manuels va être dans l’objectif du ministère, d’autant qu’on a repéré dans le PLF (Plan de Loi de Finances) 2024 que 3 millions d’euros sont dédiés aux manuels en Education prioritaire à la rentrée prochaine, et cela sera testé sur des manuels imposés.

Des questions aux relents passéistes

Le questionnaire remet par ailleurs en avant des litanies éducatives passéistes (devoirs à la maison, recours au redoublement…). La recherche a pourtant tranché de longue date ces questions. Les devoirs à la maison, officiellement abandonnés dans le premier degré par la circulaire du 29 décembre 1956, comme les groupes ou les classes de niveau participent du creusement des inégalités. Le redoublement enferme les élèves qui le subissent dans l’échec scolaire, au contraire des possibilités ouvertes par une logique de cycle.

Vers plus de "culture générale" ou une externalisation de certains savoirs "fondamentaux" ?

Avec la notion de « culture générale » (au passage non définie et une notion floue pour bon nombre de personnes), c’est à une déscolarisation d’une grande part des savoirs pourtant essentiels à la réussite scolaire que le ministère œuvre. Sciences, histoire-géographie, EMC, arts plastiques, musique, EPS… Autant de disciplines qui mobilisent des modes d’interrogation du monde et des langages spécifiques, dont la maîtrise est importante pour comprendre le monde et le transformer et qui seraient profondément affectées par une dissolution dans une culture générale indistincte, opacifiant encore plus les enjeux d’apprentissage et ce faisant participant de l’augmentation des inégalités scolaires.

– A ce sujet, voir, revoir et partager : V/F : Faut-il plus de "fondamentaux" ? - Le "vrai du faux" des décodeur.euses de la FSU-SNUipp !

Des PE traités avec mépris

Enfin, la comparaison des questionnaires à destination des professeur·es des écoles et des enseignant·es du secondaire témoignent du mépris du ministère vis-à-vis des personnels du premier degré, considéré·es manifestement comme de simples exécutant·es et, dont on attend qu’ils et elles ne fassent qu’appliquer des scénarios pédagogiques élaborés par d’autres. C’est ce qui transpire derrière la labellisation ministérielle de manuels scolaires ou la promotion des guides. C’est ce qui est manifeste quand les questions évoquant tant le collectif pédagogique comme ressource pour penser le travail, qu’un développement professionnel appuyé sur la recherche, sont réservées au secondaire. Or le travail en équipe est primordial dans nos écoles, les conseils de cycle et de maitres/maitresses font avancer les pratiques.
Par ailleurs, la liberté pédagogique n’est pas du tout évoquée alors qu’elle relève d’un savoir-faire enseignant pour traduire en contexte les prescriptions.

Alors que faire ?
Étant donné les travers que nous avons cités ci-dessus, répondre à cette enquête ne fera que renforcer la position ministérielle, mais ne pas la renseigner pourrait lui faire dire que les enseignant·es du 1er degré ne sont pas impliqué·es dans leur métier...
A chacun·e de faire son (pire) choix !

A relire aussi : "Un projet rétrograde pour l’école"

Le décryptage complet :

Consultation des personnels «exigence des savoirs » : un questionnaire au service de la politique du ministère